Juste le temps de récupérer de l’Envers et nous voilà repartis direction l’Italie.
Un dernier passage du tunnel pour cet été, le temps est superbe et pourtant ce n’est pas la dolce vita qui nous attend, mais bel et bien le Grand Capucin, ce beau sommet impressionnant qui me nargue depuis des mois.
Au programme la Voie des Suisses, une montagne de granite superbe, de quoi kiffer tout son saoul. La réputation de cette face est immense.
Toutes les voie sont extrêmement difficiles, le plus facile étant la voie des Suisses, cotée ED… Les grandes classiques ne le deviennent pas par hasard.
Accès au refuge Torino
Nous partons de bonne heure l’après-midi, récupération de Ricardo à 14 heures car on craint du monde à Chamonix et au tunnel, on est le 15 Août. Finalement personne et notre premier arrêt est pour un capuccino au pied du funivie, ça commence cool.
Nous montons ensuite au refuge de Torino où l’on passe l’après-midi au soleil et à la bière à discuter de tout et de rien. Cool et sympa. Le gros morceau est pour le lendemain.
Ascension
Départ le matin à 6 heures avec le lever du soleil. La saison avance et le glacier est plus ouvert qu’au début de l’été. On passe au pied de la face Nord de Tour Ronde. Très rapidement nous rejoignons le pied du Grand Cap. Le couloir de neige à gauche parpine déjà (et parpinera toute la journée).
Une cordée à déjà entrepris à faire demi-tour car la rimaye est très chaotique et nous conseille d’en faire autant… “On va aller voir par nous-mêmes”… Je suis supra motivée et complètement d’accord avec Ricardo. Ça a effectivement l’air moyen, mais on va essayer.
Je redescends en contrebas dans la pente et Ricardo part passer le premier pont de neige, se hisse avec les 2 mains sur un seul piolet pour grimper un premier passage… Je vais en ch… je le vois déjà…
Mais ça passe. Il continue et grimpe ensuite derrière une haute vire rocheuse, trop lisse pour être escaladée (quand ce sera mon tour, je me rendrai compte qu’il s’agissait en fait d’une espèce de longueur de glace toute fine, bien cachée et bien raide pour se mettre en jambe ) qu’il contourne et fait relais un peu plus haut. Tout ça pour une rimaye!!! Mais elle est passée, c’est donc parti!
Pause au dessus de la rimaye, on troque les grosses pour les chaussons, transfert du matériel d’un sac à l’autre, on va essayer de grimper léger avec le strict nécessaire. Manifestement le passage de cette rimaye nous a amenés au pied d’une autre voie dont le départ n’a pas l’air trop dur (Flagrant délire?), mais il faut quand même qu’on rejoigne la nôtre. Par un ensemble de vires et de gradins, pas excellents au début, on rejoint le départ de notre voie en tirant plus à gauche. Le rocher commence à être plus beau et on ressent bien l’altitude.
Le granite gris fait place au jaune et quel que soit l’endroit où l’on regarde, il y a des fissures, des failles, des prises à l’endroit, à l’envers, des minis prises, des knobs, des coincements de main, de pied, des rétas, des oppositions, bref le rêve du grimpeur… tout ça à perte de vue.
La première moitié de la voie n’est pas trop dure, bien que l’altitude rende l’effort plus soutenu.
Par contre, Ricardo a des ampoule de la mort aux talons qui le font carrément souffrir… au point d’envisager le 1/2 tour. J’ai les boules…et des compids dans la poche que je m’empresse de lui donner. J’espère que ça va aller…
On continue de progresser et d’un seul coup d’un seul, la difficulté augmente nettement, une ou deux longueurs sous la partie en artif.
Purée, on va y passer du temps dans cette partie en 6B suivi de l’artif sous le toit incroyable. Je tire comme une damnée sur de vieux pitons et des cordelettes et sangles et laisse pas mal de jus dans ce passage. HALLUCINANT !
Le sommet, mythique…
Un bon coup de coca et des pâtes de fruit en guise de carburant pour me refaire après la sortie du toit, avant d’enchainer à nouveau sur du 6b. Mais le toit est passé et je n’ai plus de doute qu’on atteindra le sommet, ça me rebooste à fond.
Il reste encore 2 longueurd plus faciles à grimper avant le sommet. Un vent léger rappelle que nous ne sommes pas loin des 4000 m.
Ricardo est arrivé au sommet et m’assure dans la dernière longueur. Je savoure les derniers mètres de cette escalade magique. C’est fabuleux… Mon arrivée au sommet me comble de joie… que je crie sans retenue. Ricardo est bien content aussi et me claque une bise de félicitation.
Je suis ultra heureuse d’être là et vais me coller à califourchon sur le sommet.
Une grosse pensée pour Fix, que j’appelle de mon portable… ça capte. On aurait dû faire cette voie ensemble, mais il y en aura d’autres.
15 heures au sommet, on n’aura jamais la dernière benne vu le nombre de rappel… alors on décide de prendre notre temps au sommet. Je grave les images et les sensations dans ma tête à tout jamais… je mesure ma chance, je ne sais pas si je reviendrai un jour ici… On sait déjà qu’une nouvelle nuit en refuge nous attend, mais qu’importe… rien ne presse et je profite à fond de la vue, de l’ambiance, du silence. J’emmagasine les images car c’est ma dernière course de l’année. Cette vue à 360° depuis le sommet est mythique, je voudrais y rester longtemps. Je sais déjà que je vais y repenser souvent à ce moment. Que c’est bon d’être là.
La descente…
Après un long moment, Ricardo met en place le premier rappel. Il faut songer à redescendre.
Il fera tous ses rappels pieds nus tellement il a jonglé à la montée. Pour ma part, après essai, je préfère quand même garder les chaussons, le granite est vraiment rugueux et abrasif.
Ricardo s’engage dans le rappel. Il le nettoie et renettoie, la descente risque d’être longuette. Avant de partir à mon tour dans le rappel, je fais un dernier baiser au rocher. J’espère que j’y reviendrai…
Nous enchainons les rappels dans “O Sole Mio”. Magnifique, c’est à faire…
On droppe, mais le temps file. Nous sommes au pied du Grand Cap à 18 heures. Il faut ranger le matos, se rechausser (vive les grosses…) et repartir vite.
Peu après notre départ, alors que nous nous retrouvons à l’aplomb de Tour Ronde, un sauvetage à lieu au Grand Cap, il y a encore du monde dans les voies. Impressionnant. Nous arrivons au refuge juste avant la fin du service cuisine. Un bon diner nous est servi et une super nuit sans stress dans un dortoir vide nous attend.
Partage d’impressions avec d’autres guides, appels tel à la famille pour dire que tout est OK. Nous sommes prets pour une bonne nuit de récup.
Quelle journée et que de souvenirs… car la saison se termine déjà : un petit goût de trop peu sur l’été, mais si je repense à ce qu’on a fait depuis Pâques, c’était quand même plutôt réussi 🙂 😉 .