La Verte : ma 1ère grande course d’alpinisme engagée, avec Fix comme guide. Sommet tellement admiré, tellement convoité. Aucune voie d’accès n’est facile, aucun passage n’est donné.
Au refuge du Couvercle, on rentre dans le Saint des Saints, surtout en hiver. Quelle pression pour ma “courte carrière”. Mais la motivation est intacte voire un brin démesurée…
De cette course, je n’ai rapporté que 2 photos, pas très belles, mais elles donnent bien l’ambiance incroyable de cette ascension de nuit.
C’est à la Verte qu’on devient alpiniste…
Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était tellement intense, tellement déterminant, que cette course m’a marquée pour toujours…
Premier accès au refuge d’hiver du Couvercle qui, je l’ai découvert à cette occasion, est vraiment installé sous une énorme pierre qui le recouvre comme un couvercle. Refuge d’hiver = refuge non gardé, donc on monte son alimentation, son réchaud. Ce jour-là, il n’y a personne.
Sur place, dans ce mythique refuge si bien décrit par Frison il y a un poêle du bois pour se chauffer, une ou 2 bougies pour s’éclairer, des couvertures qui grattent et quelques photos au mur. Un confort très spartiate typique aux refuges d’hiver, mais qui devient le top du luxe dès que la nuit tombe dans cet environnement qui devient alors hostile.
Après un diner rapidement fait de lyoph cuits avec de l’eau de neige fondue nous choisissons l’un des dortoirs pour une nuit très courte et quelques heures de sommeil puisque le réveil est prévu à minuit!!! On prend soin de laisser la porte d’accès entr’ouverte, le poêle à bois fume tellement qu’on a peur de s’asphyxier…
Quelques heures plus tard : réveil. Petit déj rapide et léger… c’est compliqué de petit déjeuner à minuit, la digestion du dîner est à peine finie…
Bref, c’est parti pour 800 mètres de dénivelé d’approche à skis, puis environ 800 mètres de couloir.
L’Aiguille Verte culmine à 4122 mètres. Ce n’est pas rien quand on imagine que la course démarre au Montenvers à 1900 mètres d’altitude. C’est ce à quoi je pense en avançant à ski… Skier ou marcher pendant la nuit permet de laisser filer ses pensées, et dans ces conditions on ne voit pas le temps passer.
Nous voilà déjà à la rimaye. on la cherche un peu… oui c’est bien ici qu’il faut passer. Bon on y va ? Une fois engagés on ne pourra plus faire demi-tour. Allez, piolets en mains, à la lumière de la frontale, on s’engage. En corde tendue, on enchaine et on avale le dénivelé. Toujours dans l’obscurité, bien que très aux aguêts, on ne se rend pas compte qu’on avance bien.
Après plusieurs heures nous arrivons enfin au col de la Grande Rocheuse. Il nous reste à parcourir l’arête qui mène au sommet de l’Aiguille Verte. Elle est très effilée et très esthétique. En moins de 30 minutes, nous atteignons le sommet. Il fait encore nuit, surtout dans la vallée ou l’on aperçoit les hameaux de Chamonix endormis.
Déjà les premières lueurs du jour éclaircissent le ciel qui passe d’un bleu nuit profond à un bleu de plus en plus clair qui s’enrosit.
Et d’un seul coup le ciel s’embrase, explose d’orange. Quelle chance de d’observer ce spectacle magique! Le temps est suspendu !! Un bonheur intense indescriptible dont je me souviens encore, s’est emparé de moi. La vue est superbe sur les montagnes alentour aux couleurs changeantes, sur Chamonix encore dans l’ombre et sur l’arête de neige effilée que nous allons reprendre dans le sens de la descente.
Le jour est maintenant complètement levé. De nouveau au col, nous entamons la descente dans la face à reculon, en marche arrière.
Après un petit temps d’adaptation, le rythme est pris. Bien être attentif aux crampon dans la neige pour ne pas se prendre les pieds, bien ancrer le piolet pour pouvoir s’y retenir en cas de chute.
Nous descendons régulièrement et assez vite, et nous retrouvons au dessus de la rimaye… sans rappel, avec une corde simple. Comment passer, sans abandonner notre brin de corde ??
Heureusement un couple d’alpiniste qui a entrepris la descente en rappel nous rejoint… et nous laisse utiliser leur corde pour passer cette rimaye et finir la descente.
Nous retrouvons nos skis, bien contents d’avoir terminé notre ascension. Après une courte pose on rechausse. En une demi-heure de temps nous regagnons le Couvercle.